Dossier
Cancer : survivance ou maladie chronique
Cancer: Survivorship or Chronic Disease
Service de psychiatrie de liaison, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, CH-1011 Lausanne, Suisse
* e-mail : michael.saraga@chuv.ch
Reçu :
9
Juillet
2018
Accepté :
2
Septembre
2018
Une nouvelle terminologie s’impose progressivement en Amérique du Nord qui désigne les patients oncologiques comme des survivors en situation de survivorship. Le survivant au cancer n’est plus une victime du cancer, il est plutôt décrit comme un sujet transformé par l’expérience de la maladie. Dans la version forte du discours de la survivance, le cancer l’a rendu meilleur, il est « la meilleure chose qui lui soit arrivée ». Nous formulons l’hypothèse que ce discours trouve ses sources dans la tradition doloriste (qui donne à la souffrance une valeur existentielle positive), les mouvements d’émancipation du paternalisme (qui reconfigurent le patient en acteur de sa santé) et la psychologie positive (qui valorise les représentations et affects positifs, même à propos du cancer). Comme l’ont montré plusieurs travaux socioanthropologiques, un danger du discours de la survivance est son effet d’aliénation chez les patients. Les cliniciens devraient ainsi faire preuve de prudence à l’égard de ce type de rhétorique.
Abstract
The new semantics of cancer in North America tends to rename patients as survivors in a situation of survivorship. The cancer survivor is no longer a cancer victim; rather, he is described as a subject for whom the experience of the disease has been transformational. In the strong version of the survivorship discourse, cancer has made him a better person; it is “the best thing that ever happened to me.” We hypothesize that this discourse has roots in the dolorist tradition (which grants suffering a positive existential worth), social movements towards empowerment and emancipation from medical paternalism (which reframe the patient as an active agent in charge oh his or her health), and positive psychology (which promotes positive affects and cognitions, even with regard to cancer). As a number of socio-anthropological studies have shown, one danger of the survivorship discourse is to contribute to experiences of alienation in the patients. Therefore, clinicians should be cautious with regard to this type of rhetoric.
Mots clés : Cancer / Survivance / Aliénation / Croissance post-traumatique
Key words: Cancer / Survivorship / Alienation / Post-traumatic growth
© Lavoisier SAS 2018